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La Revue des Praticiens en Hypnose et Sexologie, dirigée par Joëlle Mignot

Blandine ou comment prendre le vert. Christiane Vial



Dans ma pratique professionnelle, j’ai pu observer le besoin criant d’accompagnement des couples aux abords de la procréation médicalement assistée (PMA). Dans le cas présent l’impossibilité d’enfanter provenait d’un vaginisme. La patiente, que l’on appellera Blandine, m’a été envoyée par un gynécologue. Le médecin souhaite que la prise en compte de cette dame soit pluridisciplinaire : médecin, sage-femme, ostéopathe, hypnothérapeute et le service de PMA.


HISTOIRE CLINIQUE
 
Blandine consulte pour un vaginisme qui dure depuis plus de vingt ans. A 42 ans, secrétaire médicale, mariée depuis l’âge de 22 ans, elle me dit avoir un désir d’enfant. Depuis un an, elle consulte des médecins pour entreprendre une PMA. Le médecin qui la suit lui précise qu’elle approche de la limite d’âge : « Bientôt 43 ans, après, c’est fini. » Blandine « veut faire de l’hypnose pour avoir un enfant » ; « je n’ai pas de sexualité normale » ; « je suis à la limite en âge et nous voulons un enfant, je suis prête à mettre le maximum de moyens pour réussir ». Bien que coopérante, elle avoue que c’est un « chemin du combattant ».

Blandine se décrit comme une personne très organisée, d’une rigueur extrême. Elle observe avec sérieux toutes les recommandations médicales. Son enfance est présentée comme « sans histoire ». Depuis l’adolescence, « mes 12 ans », ses règles sont régulières. La scolarité a été calme, aucun flirt, « non, non, tout est en ordre ». Sa première rencontre avec un homme a lieu à l’âge de 20 ans. A 21 ans, elle se marie avec Francis, éducateur spécialisé, très respectueux, attentionné, « il sait être très patient ».

Blandine entame en parallèle une rééducation du périnée avec une sage-femme ostéopathe. Je me renseigne sur ses examens gynécologiques (toucher vaginal, échographie endovaginale). Ils sont impossibles. Les examens biologiques sont corrects. Les parents sont décrits comme très rigides ; ils ont deux filles, Blandine est la cadette. Sa sœur aînée a un enfant. La maman est la septième de 23 enfants, dont trois enfants morts après la naissance, et le papa est présenté comme soumis à sa femme. Le silence autour de la sexualité est de rigueur. Si avoir un enfant est une demande insistante maintenant, le sexe n’est pas un sujet pour autant.
 
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LE SYMPTÔME SEXUEL
 
Nous partons sur un vaginisme, formulé dès lors de la première consultation. De sa sexualité, elle dit : « Je n’ai pas de sexualité. » Chargée d’émotions, elle exprime dans un premier temps sa culpabilité : « Je ne suis pas une femme comme les autres, mon mari est très respectueux, je ne lui fais pas plaisir et j’en ai honte. Je lui ai même dit qu’il peut voir une autre femme. Il ne veut pas et me dit qu’il attendra le temps qu’il faut. »

D’autres éléments de sa vie vont émerger. Tout d’abord, un intense lien à sa grand-mère, celle à la famille pléthorique. Puis : « Vous savez, je suis toujours vierge et je me sens encore comme une petite fille… de 42 ans. » « J’ai honte, je suis verrouillée », dit-elle. Qu’a-t-il pu bien se passer dans son adolescence voire sa petite enfance ?

Elle relate un événement : « Quelque temps avant mes 12 ans, je découvre mes premières règles. Pour mon anniversaire, mes parents invitent toute la famille.» Les yeux se baissent et silence : « Ma mère annonce à tous que je suis une jeune fille. Je reçois un cadeau que j’ouvre devant tout le monde. C’était un soutien-gorge et un slip. » Blandine pleure.

Sur le plan psychologique, nous avons exploré les stress, les deuils, les représentations de la sexualité. Il a été nécessaire de faire des apports en connaissance. Blandine ne s’était jamais regardé le sexe. Elle n’avait jamais pratiqué la masturbation. Une proposition a été faite de s’ouvrir au plaisir solitaire. A la session suivante, arborant un visage rayonnant, elle dit avoir osé et « comme cela marchait, j’ai proposé à mon mari de me le faire ». Son mari, féru de bricolage, avait bâti avec elle un imaginaire foisonnant où ses mains représentaient un nombre incalculable d’instruments de sa boîte à outils.

Côté médical, maintes fois briefée par le personnel de la clinique, « vous allez avoir 43 ans, dernière limite pour avoir un bébé ». Blandine débute un traitement hormonal. Ensemble, les séances d’hypnose (travail sur le point neutre émotionnel, l’utilisation des couleurs) avaient pour objectif de permettre les examens endovaginaux.

Elle revient au bout de quinze jours, et là surprise, l’examen endovaginal a eu lieu. « Je me suis mis dans le vert, je n’ai pas eu mal, j’étais étonnée à la fin de l’examen, j’y suis encore, je ne comprends pas. » Très bien, le plus important si j’entends ce que vous me dites, c’est que l’examen a eu lieu et « tout est normal ». Le traitement hormonal est en cours. Une fécondation in vitro est prévue. Je lui propose une séance d’hypnose courte afin de la réutiliser lors des prises de sang, avant le retour des résultats.

Après quelque temps, Blandine me téléphone en larmes, les règles sont arrivées. Elle veut arrêter les traitements, la déception est forte. Le médecin lui propose une pause médicamenteuse. Elle veut continuer l’hypnose. Je lui propose d’envisager peut-être un moyen assez simple, l’utilisation d’une seringue pour injecter le sperme et je lui suggère de commencer par des caresses, de la tendresse, un temps de partage privilégié.

Le travail conjoint entre le couple, l’équipe médicale, la sage-femme et moi semble porter ses premiers fruits. La masturbation a pu être poursuivie avec le partenaire dans le noir, dans un premier temps. Les tensions au bas-ventre de Blandine se relâchent partiellement, mais suffisamment pour permettre une insémination à la seringue remplie du sperme de son mari. Elle est réalisée à la maison, en intimité, par lui. La fécondation semble tenir.

A la rencontre suivante avec Blandine et Francis, nous convenons de tenter l’expérience d’une douche érotique, qui a lieu quelques jours après. Blandine prend peur. La verge en érection de son mari la saisit d’angoisse. Elle prend conscience avec acuité d’une phobie du sexe en érection. Ce sujet sera travaillé. Nous convenons de le faire « après la grossesse et après la naissance, d’accord ? ». Semaines après semaines, la grossesse se passe plutôt bien, mêlant anxiété et découverte. Blandine s’aide de l’autohypnose avec assiduité, jusqu’à l’accouchement par césarienne et l’arrivée du petit Victor.
 
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BASES THÉORICO-PRATIQUES : LES CONSULTATIONS DE SEXOLOGIE
 
Je prends la décision dans un premier temps d’utiliser une approche rogérienne, centrée sur la personne, en utilisant l’écoute active et la reformulation. La relation d’aide que nous mettons en place est non directive sur le fond et directive sur la forme (horaire, date).

Lors de la première consultation, je choisis d’utiliser un concept d’analyse transactionnelle : le triangle de l’autonomie. Je pose le cadre des « trois P ». Nous fixons le rythme d’une session par semaine/trois mois, puis une/quinzaine pour les consultations suivantes. L’alliance thérapeutique se met en place.

J’axe mon travail sur une écoute fine du non verbal en cohérence avec sa parole : entendre les mots, les silences, les attitudes, les gestes, le visage. L’expression ou « l’ex-pression » saurait-elle montrer quelque chose des pressions du passé ? L’écoute du discours de Blandine va prendre du temps. Élaborer sa pensée, explorer certains champs de sa conscience. Les descriptions du symptôme et ses répercussions sur sa vie de femme et de couple vont permettre à Blandine de devenir l’actrice de son besoin : devenir mère et trouver une sexualité réaliste pour elle.

Un travail sur les émotions sera proposé. Je lui ai demandé de dresser la liste de ses peurs : du rejet, de blesser, d’être blessée, d’être une femme, d’être abandonnée, du regard de sa famille, de ne pas arriver à concevoir un enfant, de décevoir son mari, décevoir la famille, peur de la mort, peur de la maladie, peur des émotions, peur de la tristesse mais pas de la colère, « je ne me mets jamais en colère », jamais, jamais ? « Je suis juste parfois agacée. » L’hypnose conversationnelle éricksonienne me semble dans un premier temps facilitante. Dans un deuxième temps, nous passerons à l’hypnose directe, afin de cibler plus précisément sur les leviers de changements les plus adéquats. 




Rédigé le Jeudi 3 Avril 2014 à 11:31 | Lu 868 fois modifié le Mercredi 14 Novembre 2018

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