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La Revue des Praticiens en Hypnose et Sexologie, dirigée par Joëlle Mignot

Devenir moi par ton toucher



Et si les cinq sens n’avaient pas la même importance ?
Chaque jour, nous utilisons tous les sens à notre disposition. En général, nous ne nous posons pas la question de savoir si nous sommes plutôt visuels ou auditifs. Et pourtant, il est un sens, le toucher, dont la place dans nos expériences de vie est étonnante. Certains le considèrent comme le sens le plus complet : toucher l’autre du regard autant que de la main… embraser le cœur par le contact d’un mets délicat…


Devenir moi par ton toucher
Dans notre société, le toucher est normé. Parfois il est défini comme accueillant, parfois impudent ou violent. Dès le début de sa vie, l’humain apprend qu’il est des gestes impératifs et des gestes déplacés. L’érotisme pousse le toucher à des sommets artistiques. En tous cas, le toucher dérange. Il interpelle notre être en profondeur dans la relation à soi, dans la relation au monde.
 
« Là où le toucher commence, débutent l’amour et l’humanité, dès les premières minutes même de la vie. » Ashley Montagu
 
Le toucher est une perception sensorielle, une stimulation enregistrée dans les mémoires archaïques dès l’intra-utérin, à travers la peau, les contractions musculaires. Pour exemple, les caresses de la mère sur son ventre vont permettre à l’enfant de se déplacer (haptonomie). A de nombreux égards, « c’est ton toucher qui m’a mis au monde ». Cette période première a une importance considérable sur la personnalité de l’enfant en construction, précisément sur sa structuration émotionnelle. Le toucher est un acte fondateur de la relation à Soi.
 
La peau, organe majeur du toucher, représente 18 % du poids du corps, en moyenne. Sa surface est sans commune mesure avec les autres sens et le toucher se retrouve sur l’ensemble de sa superficie. Les récepteurs transmettent les informations au système nerveux. La finesse perceptive se développera en fonction de la nature et de la variété des stimuli. Au cours de la vie, le toucher est le premier sens à apparaître et le dernier à se détériorer. Le rôle vital de l’enveloppe corporelle ne faiblit pas à l’âge adulte. Un individu peut vivre aveugle, sourd, sans odorat ou sans goût, mais à la lumière de l’expérience auprès des « grand brûlés », il ne saurait survivre sans les fonctions sensorielles essentielles de la peau, et ce à tout âge. Après de multiples traumatismes, on peut s’émerveiller des capacités de résilience de la peau en comparaison aux autres organes sensoriels.

La peau fonctionne de façon paradoxale : perméable et imperméable, superficielle et profonde, véridique et trompeuse, régénératrice et en dessèchement permanent, douleur et douceur, plaisir et déplaisir, solide et fragile, elle résiste et s’adapte aux changements, préserve notre intérieur et le révèle au dehors, garantit l’équilibre. La peau est un reflet de la bonne et de la mauvaise santé organique.
 
« A la naissance, le contact est le langage le plus aisément perçu par l’enfant. Dans une relation tendre et chaleureuse, la peau va se mettre à protéger. » Dr. Dumazeau
 
De l’intérieur à l’extérieur, nous sentons notre corps dans sa quasi-totalité. C’est d’ailleurs le toucher qui va permettre, selon D. Anzieu, la constitution des enveloppes psychiques.
 
 « Le Moi-Peau se met en place petit à petit et va permettre à l’enfant d’aller vers le monde. Il élabore, pense les sensations, les perceptions étrangères qui viennent du dehors, il apprivoise tous les émois. Il a conscience de son être, de sa singularité. En absence de cette structure d’enveloppement, l’enfant se sent en danger et va structurer une carapace chargée pour remplacer le Moi-Peau. »
 
Donald Winnicott s’est beaucoup intéressé au bébé et à son évolution. Le « doudou » du bébé est important par rapport au toucher. En effet, l’enfant passe un temps conséquent en contact tactile voire gustatif avec le doudou. Il stimule ses premières zones érogènes. Il apprend à maitriser le mouvement et la préhension grâce au doudou. Rapidement, il va savoir distinguer les matières agréables des autres, « ses » doudous des autres poupées.

De nombreux vocables qualifient l’expérience du toucher extérieur comme intérieur. Proprioception, cénesthésie, kinesthésique, palpation, contact en sont quelques-uns. Le langage commun s’est aussi fortement nourri de termes issus du sens du toucher. Voici un petit florilège parmi une myriade : « Il me colle à la peau, défendre/sauver sa peau, tenir à sa peau - être bien dans sa peau, lui faire la peau, avoir la peau dure, à fleur de peau, entrer dans la peau d’un personnage, faire peau neuve, caresser dans le sens du poil, écorché vif, meurtri... »

J’anime de nombreuses formations sur le thème « le toucher dans la relation de soins » dans les structures hospitalières et dans les EHPAD. Le toucher est présent dans tous les soins et dans toutes rencontres, selon deux concepts qui s’entrecroisent : « faire des soins » et « prendre soin ».

Faire des soins est de l’ordre de la bienfaisance et prendre soin est dans l’ordre de la bienveillance, de la sollicitude, définie par P. Ricoeur comme consistant à adopter envers l’autre, au sein d’une relation dissymétrique, une attitude permettant de rétablir un équilibre plutôt que d’accentuer le déséquilibre. Cette attitude incarnée dans un geste individuel, répond à une fragilité momentanée ou durable par une proposition singulière, soucieuse de l’unicité de l’autre et de sa vulnérabilité.
Faire un soin et prendre soin traduisent l’ambiguïté du terme « toucher ». En effet, quand les soins sont prodigués, il y a bien contact de deux corps (soins médicaux, soins infirmiers, soins d’hygiène). Cet acte gestuel se réalise dans une relation soignant-soigné qui vient toucher la personne soignée dans ses affects. Au même instant, le soignant est touché aussi dans son corps et ses émotions. Il y a donc une double réciprocité physique et affective du toucher, qui ne manquera pas de générer des comportements d’accueil ou de rejet, suivant les situations et les chemins de vie. 

Christiane VIAL
Infirmière Sexologue
Directrice du CEFER Santé
Soussac
 




Rédigé le Vendredi 7 Octobre 2016 à 17:37 | Lu 569 fois modifié le Mercredi 14 Novembre 2018

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